Le répertoire puise à trois sources : le folk, la musique médiévale et la Scrumpy, farce paysanne, genre chanson à boire, qui écorche l'oreille raffinée des puristes.
En 1971 encore, le trio accompagne Dave Goulder et Liz Dyer pour douze titres réunis dans un album intitulé The Raven and the Crow et produit par la division Argo de la compagnie Decca.
La même année, Tony Rose chante Jug bad the charts, écrit par Crozier et Shelton, lors d'un concert enregistré à Cheltenham.
Le premier album
Sous le label Argo, A parcel of old crams fut enregistré en 1972 dans les studios Decca à Londres par Kevin Daly qui en fut le producteur. Suzette Stephens réalisa la photo de couverture qui montre bien le côté excentrique de Trevor.
Un ou deux titres émergent : Don't Tell I, Tell 'Ee, repris la même année par Adge Cutler and the Wurzels pour la seconde fois. C'est aujourd'hui un classique du genre avec Dead Dog Scrumpy, le tube de Trevor chanté bien des années après sa mort, n'en déplaise à ceux qui l'ont enterré de son vivant.
Ma préférée ? Soldiers Three !
Voilà une ballade héritée du fond des temps, la Renaissance. Son thème
est classique : celui de ces soldats s'en revenant de guerre, tout doux,
assoiffés mais fauchés comme les blés. Son originalité tient de cette phrase en français qui revient sans cesse : "Pardonnez-moi je vous en prie..." Elle me rappelle que mes ancêtres normands ont introduit ce sabir à la cour d'Angleterre. Soldiers Three
est en principe un chant polyphonique interprété avec une certaine
distinction entre ténors de bonne compagnie. Là, en se raclant la gorge, Trevor vous fait les trois voix
en même temps sur un rythme très enlevé. Cette mélopée épique lui va comme un gant. Avec ses cordes vocales de soudard lustrées au tabac et au houblon, Trevor sait se
montrer émouvant. Surtout quand Annie brode derrière lui un
accompagnement au psalterion.
Plusieurs musiciens épaulent le trio. Laissons Trevor les présenter lui même :
1) Vice-Amiral Sir Roger Bootle, avec l'autorisation de la marine suisse. Ses arrangements à la trompette sont de l'archange Gabriel.
2) Doctor Malcolm Perkins, vicaire de St. Pancras et de toutes les stations jusqu'à Carlisle.
3) Knuckles O'Garrik dont l'imitation de basse-cour est une spécialité.
4) The Maharishi David Green, Mucker of the Queen’s Musick.
5) Bob Common, sur un prêt consenti par un autre groupe (The Yetties), tambours, cymbales et autres objets de première nécessité...
6) Eli Bickerstaffe, ukulélé, banjo-ukulélé, ukulélé d'amore, boudins noirs et blancs.
Des deux albums personnels de Trevor, A parcel of old crams est à mon avis le plus réussi. Trevor donne l'impression de ne pas chanter toujours juste et de prendre des libertés avec le rythme. L'impression. Car il fait de cela sa marque de fabrique. Sa gouaille éraillée d'aristo du macadam, de mataf en bordée fait de vous son complice amusé si vous n'êtes pas trop coincé. On se dit que Shane MacGowan, le chanteur déjanté des Pogues, a sûrement entendu Trevor dans les haut-parleurs d'un ferry en perdition entre Plymouth et Roscoff.
Un critique musical comme Richard Falk vous dira que A parcel of old crams est le pire des albums jamais produits par Argo. On s'en tape. Sa cote dépasse aujourd'hui la centaine d'euros. Quant à la sympathie gardée à Trevor par ses auditeurs indulgents, elle n'a pas de prix.
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